On peut dire qu’avec l’univers de Boogers, au départ, ça n’était pas gagné.
Question affinités j’avais un peu l’impression qu’on n’avait pas grand-chose à partager lui et moi. Jusqu’à ce jour où je l’ai vu sur scène…
Et là, j’ai bien dû reconnaître que je m’étais sérieusement trompée sur son compte. Qu’il était en fait beaucoup plus intéressant que je ne l’imaginais.
Ni une ni deux, je l’ai catalogué dans la rubrique « artiste de scène exclusivement» c'est-à-dire artiste qui pour moi ne se conçoit qu’en live et dont je n’imagine pas une seule seconde explorer l’album à moins d’un regain de curiosité inattendu (ou à la faveur d'une recommandation particulièrement chaleureuse d’une de mes connaissances parmi les plus inspirées).
Puis j’ai eu l’occasion de découvrir son album. Un peu par hasard. Quoique. Mais passons.
Et décidément, Boogers n’a de cesse de faire mentir tous les préjugés que j’avais à son sujet.
Déjà première TRES bonne surprise : il a renoncé à incorporer à la sélection de titres de l’album ses deux reprises, celle de Stand up et celle de Creep, qui restent des morceaux dont on ne peut apprécier tout le second degré que sur scène. Rien que ça, ça m’a paru être une sage décision.
Ensuite, les morceaux du CD sont une vraie bonne surprise; on y retrouve des titres dont la plupart des textes et des ambiances musicales surprennent par leur humour et la qualité de leurs arrangements.
Il joue avec les codes là aussi, comme sur scène, mais d’une autre façon, avec d’autres moyens. Prenons « the devil » par exemple; voilà un titre où Chacha (c’est son « surnom » de scène) se révèle convaincant en hard rocker énervé, très métal hurlant influence rock gothique, avec ses vociférations à l’écho exacerbé. Franchement jouissif. Et ce n’est pas le texte qui fait le charme du morceau ici- il y est très minimaliste- mais l'ambiance générale, très réussie.
Pour « I lust my lungs » le texte à lui seul mérite une mention spéciale –il est tout en décalage- mais comble du plaisir, la mélodie, franchement entêtante, n’est pas en reste.Dans la même veine « perfect week » sert sur un fond musical très british pop un texte plein d’humour tandis qu’on se surprend à chanter avec lui « anywhere, anytime, I feel ready to perform my stupid songs about nothing, nothing but my sorrow » en appréciant la juste dose d’autodérision délivrée par l’auteur qui renouvelle ici le genre de l’autopromotion musicale avec un panache qui n’appartient qu’à lui (« Anywhere »).
Plus loin « Talk to Charlie » est un morceau à la rythmique entêtante dont je suis persuadée que vous aurez du mal à vous retenir de reprendre le refrain (comme pour de nombreux titres de l’album d’ailleurs). Et puisqu’il serait dommage que vous passiez à côté du clip de ce morceau (réalisé par Charlie Mars, réalisateur ô combien atypique (dadaïste?) dont on ne peut que saluer la collaboration avec Boogers) et que je n’imagine pas que vous quittiez cette page en n’ayant aucune idée de la surabondance de jaune canari qui colore cette vidéo, de l’improbable inspiration des chacha’s girls, de l’incongruité des objets détournés ou loufoques en eux-mêmes, de celle des situations filmées, de la douce folie qui émane de l'ensemble, du sourire que vous allez arborer après la session, bref, puisque je n'imagine pas que vous passiez à côté de toutes ces réjouissances, il vous faut impérativement visionner ceci:
En naviguant dans le petit monde de Boogers on découvre avec bonheur de l’électro, du métal, de la pop anglaise, du punk rock et même un peu de hip-hop. Un sacré cocktail que celui concocté par l’artiste qui ne semble pourtant pas avoir visé la cible la plus large possible tant son univers peut paraître au départ dérangeant et informel.
Si les influences perceptibles y sont nombreuses il parait presqu’impossible de toutes les citer; son album m’a évoqué tantôt Greenday, Alice in chains, Blur (surtout leur album éponyme, mon favori), The Cure, les Peaches, The Clash, Two door cinema club et je suis convaincue que dès la première écoute vous saurez en trouver bien d’autres encore.
Parlons objet maintenant.
La pochette de son disque est à l’image du personnage. Le recto est illustré par un montage façon « poupée Mattel dans son emballage" version musicien hirsute avec tout son lot d’accessoires . Boogers y apparaît tel qu’il se présente sur scène, le torse nu et parfaitement glabre, vêtu d'un vieux jean laissant apparaitre des sous vêtements sur lesquels il a pris soin de préciser avec une maladresse qu’on imagine très travaillée : « I don’t like » devant le SPORT inscrit en caractères d’imprimerie. Ses increvables baskets aux pieds.
Au verso, une sélection de quelques uns des objets de la « face A » est regroupée sur la découpe de sa silhouette immaculée qui contraste avec un fond gribouillé plutôt ténébreux. Cette face arbore donc une esthétique un peu brouillonne vraisemblablement souhaitée mais trahie par LE détail qui signe le côté pointilleux de l’artiste : Sa signature dessinée par un judicieux enchevêtrement de câbles électriques (illustration reprise sur le CD lui même d'ailleurs).
Même seulement en manipulant la pochette on ne peut que se dire que c’est vraiment un sacré bricoleur, ce drôle d’oiseau.
Difficile donc de ranger Boogers dans une case. Il rappelle parfois Philippe Katerine par son univers déjanté et sa démarche artistique mais je suis davantage séduite par ChaCha dont les textes sont plus travaillés et qui me semble moins tomber dans la facilité tant dans les textes, dans la musique que dans le jeu de scène.
S’il faut vraiment le ranger quelque part, mettons le dans le rock alternatif mais il s’agit là d’un sacré caméléon musical qui sait se fondre dans tous les univers auxquels il se frotte et qui, sous des apparences plus que décontractées, semble en fait être un perfectionniste dont le souci du détail réserve de nombreuses bonnes surprises.
A écouter, son album As clean as possible, franchement addictif et auquel je prédis un joli avenir estival et bien sûr à voir sur scène pour la si dépaysante performance de ce Rémy Bricka de l'électro-pop d'aujourd'hui.
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