Tu vois lecteur, savoir délivrer la juste dose, celle qui permettra d'obtenir le résultat escompté, exactement, c'est un art qui me semble très délicat. En cuisine comme en amour. Les macarons et DSK sont là pour nous le rappeler. Parce que oui, peut être ne le sais tu pas, mais réussir des macarons ça n'est pas donné à tout le monde et ça demande un minimum d'application (et d'équipement aussi, sans se mentir). N'est pas Hermé qui veut.
Bon. Et donc DSK qu'est ce qu'il vient faire par là? Et bien tout ce battage médiatique autour de son "affaire", j'avoue que ça m'a mis un peu mal à l'aise. Loin de moi l'envie de donner mon avis sur la procédure engagée et de mettre le nez dans tous les dossiers aux relents parfois nauséabonds que le scandale a fait remonter. Non, non. Sois tranquille. Mais je m'en vais quand même t'expliquer que ça m'a permis d'assister à certaines conversations qui m'ont laissée sans voix. Et pour me faire taire, ceux qui me connaissent savent qu'il en faut beaucoup. Pourtant. Des conversations qui m'ont fait penser que, pour ce qui est des relations à deux aussi, trouver le juste dosage pour réussir à s'impliquer sans se perdre, à inviter sans forcer, à suggérer sans tout montrer, c'est loin d'être une évidence.
Oui parce qu'alors que "l'incident" était relayé par tous les médias et aussi dans les dîners ou encore autour de la machine à café, les avis étaient souvent accusateurs. Pas spécialement vis à vis de l'homme et de l'acte (si viol il y a eu c'est impardonnable il n'y a même pas matière à discuter) mais de sa réputation d'"homme à femmes".
Ca jasait de partout. Et ça s'indignait. Certains que je connais bien et qui n'auraient vraiment pas dû s'offusquer compte tenu de leurs propres dérapages y allaient même sévère. Parfois plus fort encore que les autres d'ailleurs. J'étais choquée.
"Ah mais ça alors, je me s'rai pas douté(e)..." "Quand je pense qu'il ose se présenter à la tête d'un parti et a l'ambition de briguer la présidence, un coureur pareil il ne manque pas d'air" "il parait qu'il aurait fait des avances à de nombreuses de ses collaboratrices, c'est dégueulasse ce mec est un gros pervers" "quand je pense qu'il est marié""jamais je n'aurais imaginé ça de cet homme là (rapport à son tableau de chasse qui semble effectivement être assez considérable)"...
J'en arrive à ce qui m'a choquée au fond. Outre le fait que dès q'un dérapage sexuel est médiatisé c'est toujours l'occasion pour la plèbe de se défouler et de déverser son fiel ce qui sans doute rassure quant à sa propre condition (je ne suis pas mauvais puisqu'il y a pire), ce qui m'a vraiment heurtée, c'est que certains en sont arrivés à assumer ce qu'ils pensaient sans doute déjà avant à savoir que la moindre manoeuvre de séduction est au fond une forme d'agression. Et ça, ça, ça me chiffonne plus qu'un peu pour tout te dire.
Parce qu'il est difficile d'avancer sur le territoire de quelqu'un sans déranger. De se faire une place sans tout bousculer.
Dans quelle mesure l'invitation est elle vécue comme une agression? A priori ça dépend de chacun. Ce qui rend l'exercice difficile. Voire carrément périlleux parfois.
Alors que certains s'offusquent de la moindre remarque flatteuse sur l'air du "non mais attends pour qui il se prend, lui?", d'autres apprécient la simple flatterie gratuite, sans insistance, qui flatte l'égo et embellit la journée. Alors oui, bien sûr, certains insistent trop voire dérapent grossièrement quand le refus est signifié clairement. La frustration peut rendre méchant...Mais d'autres tentent une incursion discrète, sur la pointe des pieds. Là où certain(e)s sont de petits artisans qui cisèlent et peaufinent, d'autres tentent de rentre-dedans frontal. Chacun sa manière de faire. Et il n'y a pas de règles. Mais dès lors que l'on reste dans le respect de l'autre et de son intégrité, de sa volonté, pourquoi être choqué?
Alors que j'achetais des fruits sur un étal de primeurs il y a peu, le vendeur, un garçon charmant m'a adressé un sourire charmeur en me disant tout haut qu'il me trouvait "rayonnante et belle comme une poupée". J'ai éclaté de rire bêtement flattée et j'ai pris ça comme un cadeau qu'on n'a même pas besoin de déballer. Je me voyais déjà repartir le pas léger, plus gaie.
Juste après, la femme qui était à mon côté et que je n'avais pas remarquée jusque là a lancé l'air mauvais "dites donc, heureusement qu'on n'est pas aux Etats unis parce que vous iriez directement en prison avec des conneries pareilles".
Vieille pie revêche.
J'aimerais me dire qu'il s'agit là de l'aigreur d'une femme entre deux âges qui a voulu saboter ce joli petit compliment mais je crois, d'après ce que j'ai entendu un peu partout depuis deux mois, que nombreux sont ceux qui considèrent que la moindre manoeuvre d'approche de l'autre devient une espèce de forme d'agression qu'il s'agit de condamner. Mais n'importe quoi.
Alors oui bien sûr il y a les "tactiles" qui -c'est plus fort qu'eux- ne peuvent pas s'empêcher de toucher l'autre quand bien même le degré d'intimité avec lui est encore de l'ordre du néant et ceux là prennent plus de risques que les autres sans doute mais si un refus poli, un retrait discret est signifié et qu'il n'y a pas d'insistance, il n'y a sans doute pas de quoi s'affoler.
Parce que bon, j'en ai entendu des dérives carrément réac' au cours de ces discussions que j'évoquais. Comme quoi la relation à l'autre aujourd'hui devrait être aseptisée, selon lesquelles il faudrait savoir "réfréner ses pulsions" ou ses envies, réussir à se contenir pour taire ses émotions.
Et pourquoi pas une vie anesthésiée tant qu'on y est, c'est vrai?Pourquoi pas?
Toujours est-il que moi ça me provoque des angoisses que j'ai du mal à calmer cette bêtise généralisée.
Alors je sais qu'il existe des "règles" qui sont censées organiser tout ça pour garantir un respect parfait du timing idéal et fixer un comportement standardisé parfaitement adapté.
Oui.
Qui sont censées stéréotyper les relations, donc.
Au secours. Mais AU SECOURS.
Le seul truc qui me rassure encore un peu c'est que, si nombreux sont celles et ceux qui sont au courant de ces règles et semblent s'y plier avec la plus grande obéissance, il reste encore pas mal de gens qui n'en ont jamais entendu parler et qui s'offusquent avec moi quand je leur en apprends l'existence.
Ca m'a d'ailleurs fait penser à ce film où toute une génération avoue être complètement larguée vis à vis des codes et signaux envoyés et plus ou moins bien interprétés :
Ce que pensent les hommes par cpourlesparents
Il y a donc par exemple la règle des 48 heures (dont le nom et donc la durée associée semble modulable selon les régions/tranches d'âges/CSP de 24 à 72 h) qui veut qu'après un rendez vous (mais plutôt a priori le premier) il faut respecter un délai (dont la durée est celle stipulée dans le nom de la dite règle) avant de reprendre contact avec la personne rencontrée. Oui. Que le rendez vous se soit bien ou mal passé. Dis moi que toi aussi tu n'y comprends rien et je serai rassurée.
Parce que bon, intriguée, j'ai quand même demandé à plusieurs reprises au cours de conversations volontairement orientées sur ce terrain (c'est que je me lance dans le dossier d'investigation t'as vu?) si personne ne s'inquiétait de ne pas avoir de nouvelles pendant ce curieux délai.
"Bah non" m'a t'on répondu à chaque fois "Puisque c'est la règle qui veut ça".
J'ai l'espace d'un instant cru à l'existence d'une société secrète dont tous les membres auraient été mentalement manipulés à leur insu au point de perdre tout discernement sur certains sujets lorsque, m'interrogeant sur un cas précis j'ai entendu ceci :
"Ah mais moi, la fille qui me recontacte dans la foulée, je grille tout de suite que c'est mort"
J'ai timidement ajouté : "C'est à dire, mort? t'entends quoi par là?"
"Ben si elle déroge à la règle c'est qu'elle veut dire qu'elle n'est pas intéressée puisque quand tu l'es tu te plies à la règle".
"Mais attends, quelque soit le contenu du retour? Même positif tu veux dire"
"Oui, c'est comme ça".
CQFD. Emballez c'est pesé.
Dans ma grande naïveté, j'ai quand même demandé s'il existait d'autres règles de ce genre parce qu'il semblerait qu'il existe une espèce de manuel du genre "comment bien gérer sa relation à l'autre dans notre société occidentale moderne" et que, va savoir pourquoi, aucun exemplaire ne m'a à ce jour été adressé
J'espèrais vraiment qu'on me réponde que non, que celle-ci existe juste pour rassurer tout le monde et définir les limites de qui est acceptable ou ne l'est pas, qu'ensuite le naturel reprend le dessus et que chacun fait ce qu'il lui plait. Mais là, accroche toi, j'ai appris l'existence de la règle du troisième rendez vous qui explique que, pour bien faire (je m'interroge encore sur la signification de ce "pour bien faire"), la relation ne doit être consommée qu'une fois le troisième vrai rendez vous terminé.
Ouais.
Mais enfin c'est vraiment le grand n'importe quoi ou c'est moi?
Que sont la spontanéité et la sincérité devenues?
Sacrifiées sur l'autel de la menace permanente du dépôt de plainte pour harcèlement sexuel?
Ca m'a fait directement penser à ce film de Chéreau que j'ai adoré, Persécution. Il s'agit d'un film sombre sur la relation à l'autre, sur l'amour bien sûr mais pas que. Un film complexe qui ne donne pas de réponse mais donne matière à réfléchir. J'avais écrit un truc qui me semblait être intéressant dessus il y a un long moment déjà, que je comptais glisser dans ce billet (rédigé à la main il y a déjà plus de deux mois mais que je n'avais pas eu l'occasion de saisir depuis) mais je n'arrive plus à remettre la main dessus (je suis une bordélique qui se soigne. Enfin qui essaie. Avec des résultats assez médiocres pour l'instant il faut bien le reconnaitre).
Alors voilà je me contente de la bande annonce et de te recommander très vivement le visionnage de l'intégralité de l'oeuvre. Mais de toute façon j'ai déjà un autre projet de billet dans lequel je compte en reparler...
Bon quand même si à la lecture de tout ça tu es effaré(e) sache que tu n'es pas seul(e) et que j'ai parmi mes relations bon nombre de jeunes gens qui s'offusquent avec moi de tout ça et songent avec une nostalgie à peine contenue à l'époque où tout pouvait arriver, quelque soit l'heure ou le jour. Certain(e)s mais je ne citerai personne inutile de même juste l'imaginer me racontaient même la gorge serrée qu'il est peut être révolu le temps où parfois ça dérapait au point de tout bousculer et de se laisser aller à coucher dès le premier soir.
Les pauvres sont d'ailleurs à ce jour encore un peu sonné(e)s.
Pour finir donc, pour ceux qui s'émeuvent encore de ça, je poste ici la vidéo du "Message personnel" de Michel Berger interprété ici par Françoise Hardy, plutôt pour l'introduction parlée que pour le texte de la chanson vraiment.
L'émotion plutôt qu'une pauvre règle à la con.
Ce seront les mots de la fin.
Pardon pour le manque de distinction.
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