Mercredi 21 avril, je devrais être loin déjà mais le méchant volcan islandais tout juste réveillé a enfumé le ciel français clouant au sol les avions ralliant ma destination de vacances. Je reçois sur mon compte FB justement ce jour là une invitation pour l'enregistrement de l(a très bonne) émission de France Inter "le pont des artistes". Au programme Hocus Pocus, Rocé et Ben Mazué. Reçevoir une telle invitation quand on est sous le coup d'une annulation de dernière minute j'assimile ça à une provocation du destin que je me fais un devoir de relever. Donc j'y vais.
Le titre de Ben Mazué diffusé sur les ondes de France Inter, c'est Obama.
Pour tout dire je trouve ça dommage parce que c'est loin d'être mon morceau préféré. Il groove vraiment pourtant. Mais je ne suis pas très réceptive au message délivré parce que je n'ai pas partagé son sentiment face à l'évènement. J'aime pourtant beaucoup tout ce qu'il soulève en prenant pour prétexte cet épisode : la tristesse face à une perte générale des illusions dans le domaine politique et ailleurs, la désolation face à l'enrichissement matériel érigé comme seule ambition, face à la disparition de la solidarité au quotidien...
Sur le plateau du pont des artistes Ben Mazué a l'occasion de toucher deux mots à propos de ce morceau pendant l'interview qui précède son interprétation et il explique notamment que ce titre, qu'il a écrit explique t'il avec pour seule motivation de partager le bonheur intense qu'il a ressenti en apprenant l'élection du président américain, a déclenché une vraie polémique sur le net après qu'il l'ait mis en ligne.
Des légions d'internautes énervés lâchant leurs commentaires acerbes pour critiquer sa prétendue naïveté face à la nouvelle et mettre en cause la pertinence du message qu'il semblait vouloir faire passer.
Il faut dire que moi aussi, au moment de l'élection d'Obama, j'étais dans le camp des sceptiques à tendance franchement énervée (par l'engouement qui me semblait carrément démesuré). D'ailleurs j'avais rédigé un billet sur feu-mon-ancien-blog le soir de l'investiture. Alors que le monde entier semblait communier dans une même liesse devant la maison blanche transformée ce soir là en autel dressé en l'honneur du demi dieu du jour.
Ca me fait penser que c'est un des rares billets dont je dois avoir une sauvegarde...Je vais donc le mettre là :
En ce jour où chacun semble ravi de sa condition, je rumine dans mon coin les exactions de "nos" traders, jeunes gens si enviables au premier abord : et oui, ils ont tout :une pêche d'enfer (merci les amphét'),un minois de jeune premier (merci les jeunes années et le botox), de l'argent enfin (merci les petits épargnants qui se saignent pour payer les études de leur progéniture et l'ensemble des contribuables français) et tout ceci, ils en font ce qu'ils veulent, ils jouent avec, sans se soucier d'échouer puisque de toute façon tout leur est permis.La moindre bourde sera excusée, rattrapée. La vie semble bien douce pour ceux qui occupent désormais la première place dans les vœux professionnels de mes élèves. Là où la plupart de ceux qui ont le privilège de travailler chaque jour doivent supporter au dessus de leur tête l'épée de Damoclès d'un licenciement prochain faute de productivité suffisante, nos traders semblent bénéficier d'une immunité totale.
Les évènements récents ont pourtant bien fait preuve de la nécessité de repenser notre mode de fonctionnement économique et n'ont fait que démontrer que le libéralisme poussé à son paroxysme permettait aux pires travers de l'espèce humaine de s'épanouir aux dépens d'une masse d'hommes et de femmes qui n'ont rien vu venir, engourdis par les discours standardisés relayés par l'ensemble des médias qui se veulent rassurants et surtout didactiques :
"vous avez peur? vous avez raison mais si vous pensez remettre en question quoi que ce soit dans l'ordre établi c'est que vous n'avez rien compris...."
De bonnes âmes (au gouvernement) se sont donc mises en tête d'expliquer à la plèbe le bien fondé du monde du Nasdaq.Merci les politiques pour ces vérités imposées, merci les débats télévisés où plus rien n'est contesté.
Attention, la pensée unique essaie de nous envahir, résistons! Difficile me direz-vous avec la disparition de l’enseignement des options artistiques ou de la philosophie, prévue dans la réforme de l'Ecole : Comment former nos enfants à l'esprit critique, comment leur apprendre à exercer leur libre arbitre? C’est ainsi : on nous demande aujourd’hui de former des jeunes gens prêts à dépenser, pas à penser. Surtout pas.
Je me prends donc à rêver, aujourd'hui, du fond de mon lit, à une autre réalité. Moi, je n'ai pas placé tous mes espoirs en Mr Obama. Car enfin, même s'il est porteur de renouveau, n'en ferait on pas un peu trop? Et si le vrai progrès ce n'était pas d'élire un président noir à la tête de cet "empire" mais de le considérer comme les autres malgré la couleur de sa peau, sans en rajouter. Alors on me dira : "ce n'est pas parce qu’il est noir qu'on en fait un évènement mais parce qu'il propose quelque chose de neuf".
Mouais. J'espère mais je doute. Vu le nombre de publications et de reportages qui font plus état de sa couleur de peau que de son programme et vu ses dernières déclarations notamment sur Guantanamo (il a promis, faisant campagne, de fermer ce site mais précise dernièrement que ça ne sera pas aussi facile que prévu, annonçant ainsi la possibilité de revenir sur le projet...), je doute.
Et puis au fond, ça ressemble beaucoup à un écran de fumée tout ce battage médiatique, non? Voudrait-on nous faire oublier qu'au delà de nos écrans, il y autre chose que les Etats Unis? Que l'Afrique se meurt et qu'on n'en parle pas, que les civils Palestiniens souffrent dans leur chair et de l'indifférence affichée du monde "civilisé", que la planète étouffe pour nous procurer chaque jour un peu plus de confort, que la récente valse des maroquins n'engendrera pas le renouveau escompté...
Et si la crise n'était pas un mal? Et si elle était plutôt l'occasion de remettre en cause notre mode de fonctionnement actuel? Et si on en profitait pour réfléchir plutôt que de s'étourdir en communiant avec les américains aujourd'hui, devant notre écran de télé. Qu'on ne se méprenne pas : Je suis heureuse de l'arrivée d'Obama au pouvoir; seulement je ne suivrai pas la cérémonie d'investiture ce soir : quel intérêt?
Et vous, allez vous la boycotter et en profiter pour consacrer un peu de temps à (re)penser le monde? Pour vous y aider : Le blog de Fabrice Nicolino... Allez donc le parcourir plutôt que de vous laisser hypnotiser par votre écran de télé. Je promets que vous n'allez pas regretter. Car enfin quel triste choix que celui qui semble être le seul qui s’offre à nous aujourd’hui : La bourse ou la vie?
Voilà.
Ben Mazué présente dans son morceau un avis qui est le sien et ne me semble pas devoir prêter à polémique. Il explique juste son ressenti de l'instant. Et je le comprends.
Mais revenons à l'émission : Hocus Pocus en fin de session interpréte un morceau qui tombe comme un clin d'oeil (que personne ne relève) à l'anecdote de Ben concernant "Obama". Il s'agit d'un titre hommage à Mickaël Jackson qui regrette l'effet "écran de fumée" très opportun qu'a constitué la récupération de son décès par la presse. (Tout à fait raccord avec mon point de vue de l'époque sur l'effet Obama, pour le coup ;-)
Je trouve ça amusant et d'ailleurs, zou, je le mets là :
A part ça que dire de cette émission? D'abord qu'elle m'a permis de passer un très bon moment : Ben Mazué était vraiment "bon à l'oral" mêlant humour et légèreté dans des réponses toujours foncièrement empruntes d'humilité. Sylvain d'Hocus Pocus aussi.
Rocé j'ai moins aimé. Autant ses interventions pendant les interviews que ses morceaux. Il m'a semblé manquer de chaleur. C'est difficile à expliquer : Ses textes sont bons, sa musique aussi, il bouge assez bien sur le plateau mais... Je trouve que sa performance était d'une froideur sidérante. Elle m'a laissée de marbre. Objectivement la prestation est travaillée pourtant. Et elle fait remuer. Mais pas un poil qui ne se soit hérissé. Pas un papillon qui ne se soit animé dans mon ventre pourtant tout disposé à ça.
Il faut dire que j'ai une idée très arrêtée sur ce qu'est un bon artiste. A mon sens ça se résume à ça : c'est un bon transmetteur d'émotions, un bon vecteur de sensations. Qu'il s'agisse d'images, de sons ou de mots, il s'agit de quelqu'un capable de faire vibrer les autres, de provoquer chez eux des sensations fortes, de leur faire partager des sentiments puissants. Les artistes que je suis avec une fidélité qui peut sembler confiner parfois à l'obsession ont ce talent là. On ressent chez eux une vraie générosité. On sent qu'ils sont animés d'une envie sincère de toucher les autres, de leur communiquer leurs joies, leurs doutes ou leurs peines. Et ils le font de façon efficace. On sent qu'ils ne sont pas là pour soulager un égotisme exagéré, ils sont là pour donner un peu d'eux mêmes à ceux qui font l'effort de les écouter/regarder et/ou lire.
Rocé n'a pas su me toucher ou je n'ai pas su reçevoir ce qu'il avait à donner ce soir là, je ne sais pas. Toujours est il que je suis restée sur ma faim. D'autant plus qu'on m'en avait dit le plus grand bien.
Les 9 musiciens d'Hocus Pocus ont été très bons. Je ne suis pas une grande fan de leurs textes que je trouve bons-mais-sans-plus ceci dit leur ambiance musicale est particulièrement entrainante et les messages délivrés me plaisent. Chouette moment que leur concert du soir.
Hocus Pocus a commencé, puis Rocé : on a un peu eu l'impression que ce sont eux qui ont fait la première partie de Ben Mazué tant celui ci était à l'aise et a su emporter le public avec lui. Et franchement, c'était bien comme ça, rien à changer.
Mention spéciale à Ben Mazué donc, qui fait pas mal parler de lui en ce moment. A ce propos, ne passez pas à côté de sa session acoustique enregistrée par Soul Kitchen avec notamment le titre "Biographie" qui est dans le top 3 de mes morceaux préférés de Mr Mazué (avec "Tout recommencer" et "Confessions d'un rap addict" (ex-aequo avec "Hugo" mais je triche là, pour en placer un de plus)).
A mon avis ce titre-là a tout pour devenir celui qui va lui permettre de rencontrer son public.
Il faut dire que l'introspection lui va bien, à ce garçon!
A écouter Samedi 24 avril 20h-22h sur France Inter.
Commenter cet article