Into the wild de Sean Penn
Bouleversée. Par ce film dont on m'avait dit tant de bien et dont je redoutais qu'il ne me déçoive au vu des intarissables louanges de mes « conseillers ciné » les mieux avisés qui me laissaient entendre que je devais m'attendre à une rencontre cinématographique qui allait sans doute me toucher.
Comme d'habitude avec un film que je n'avais pas vu, je me contentais de demander un avis sans rien de plus qui ne pourrait influencer ma perception du film au moment du visionnage. C'est donc vierge de toute indiscrétion concernant le scénario que je m'autorisais enfin à le regarder. En quelques mots, le sujet : Un jeune homme qui a devant lui ce dont rêvent beaucoup de ses contemporains sans jamais pouvoir l'atteindre, renonce au confort d'une situation qu'il juge sclérosante avec job brillant/amis fortunés/jolie voiture et famille enveloppante (étouffante?). Caprice d'enfant trop gâté?
Pas du tout.
On comprend plus tard qu'il quitte tout pour partir sur les routes à la recherche de lui même, influencé par la lecture de Jack London et Kerouac. Il abandonne jusqu'à son identité pour n'être plus que ce qu'il est, débarrassé de tout tatouage social.
Plus libre que l'air.
Sur fond de musique folk léchée, où Eddie Vedder (leader de Pearl Jam) surprend dans un registre où on ne l'attendait pas avec des morceaux de toute beauté, commence alors un long périple au cours duquel il croise la route de personnages attachants dont il apprendra beaucoup.
Il se nourrit de ces rencontres, sans jamais se lier vraiment, pour ne pas reproduire le déchirement parental dont il a été le spectateur dans sa jeunesse.
Enfant victime de la violence domestique d'un couple pourtant bien-sous-tous-rapports en dehors du cercle familial mais qui cultivait le mensonge au quotidien. Ce qu'il cherche? Être vrai. Il y aspire quitte à faire souffrir ceux qu'il doit quitter pour mener à bien son odyssée...
Puisque tout vaut mieux que la souffrance d'une rupture, il veille à ne pas s'attacher pour ne pas trop souffrir d'avoir à partir. Pour se protéger. Se prouver que seul, il peut y arriver.
Seul dans la nature (into the wild). En communion avec elle. Il se convainc que l'essentiel est là. Que c'est la clé. Il part en quête du sentiment océanique, une quête philosophique.
Il finit par atteindre son but.
Que la nature est inhospitalière.Que la violence est nécessaire et que la refuser complètement c'est prendre le risque de périr.
Piégé.Happé par son idéal.
Il finit par réaliser qu'il s'est trompé. Il veut revenir. Veut guérir.
Trop tard. Fin de son rêve; la vie lui a échappé.
En dehors de l'intérêt que présente la restitution cinématographique de ce périple tiré d'une histoire vraie, j'y ai vu une mise en garde sur le chemin de vie que l'on peut tous être tenté de suivre dans des moments douloureux de notre existence. Quant à bout de douleur la tentation devient forte de se (sur)protéger.
Quand notre instinct de survie nous suggère que pour ne plus avoir mal il suffirait de nous rendre hermétique à l'Autre et de nous contenter d'une existence sans nuage ni tempête.D'un quotidien sans passion.Quand l'isolement devient tentant.
Ne pas succomber. Ne pas tomber. Ne pas sombrer.
Sous peine de se réveiller trop tard. Quand autour de soi le vide est fait.
Que seules persistent les relations superficielles et dénuées d'intérêt.Pour ne pas réaliser au crépuscule d'une vie qu'on a fait fausse route et que l'on est passé à côté de l'essentiel. Qu'il n'y aura pas d'autre chance car au jeu de la vie les seuls gagnants sont ceux qui osent prendre des risques.
J'ai vu dans ce film une invitation au pardon, à l'altruisme et au partage. Une invitation à se souvenir qu'il faut vivre et jouir de tous les plaisirs de la vie pour ne rien regretter.
Car la solution, malgré la dérive sociétale actuelle, n'est pas dans l'individualisme et la réclusion.
Fut elle volontaire (voire réclamée).
Grâce à ce film, on peut se prendre à rêver que tout est encore possible tant qu'on est encore en vie. Et réaliser qu'on fourmille d'envies, de désirs à assouvir. Même si les souffrances passées sont telles qu'on a bien cru ne pas s'en relever.
Réapprendre à espérer.
Bouleversée, donc.
Avec l'impression de ressortir grandie de cette projection qui a fait écho à mon propre cheminent spirituel.
Un grand moment de cinéma et de réflexion... (mention spéciale aux photographies réalisées sur le tournage, signées Eric Gautier, qui sont sublimes).
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