L’Islande est vraiment une terre pleine de mystère. Il y a d’abord sa particularité géologique qui en fait à elle seule une exception géographique : Il s’agit d’une ile qui est à la fois le siège d’un volcanisme de type point chaud et une zone où la dorsale océanique atlantique est émergée. Unique. Rien que ça déjà suffit à la distinguer car ce sont ces deux qualités qui sont à l’origine de tous les geysers, volcans et autres nuages de cendres qui ont fait sa renommée.
Mais ce n’est pas tout. Et si ce territoire si particulier pouvait influer sur la nature des hommes qu’il porte ? En tout cas sur les musiciens, il influe sûrement un peu. Obligé.
Déjà il y a björk qui, il faut bien le reconnaître, se tient un peu en marge du monde des popstars habituelles. Mais il n’est pas question d’elle ici. Il y a aussi Sigur Ros. Un groupe incroyable. Un groupe qui ne ressemble à aucun autre et offre un décollage immédiat à celui qui se laisse emporter par les mélodies et les voix qu’il associe magistralement. La voix de Jonsi en particulier.
Jonsi c’est le frontman de Sigur Ros.
Source : gap58.blogspot.com
Signes distinctifs : une petite coquetterie dans l’œil et la drôle de manie de faire chanter les cordes de sa guitare à l’aide d’un archet. Une voix à nulle autre pareille aussi. Une voix aérienne et parfois presque stridente. De celles dont on imagine que ce sont celles dont résonne le paradis. Une voix qui est une invitation au voyage alors même que la plupart du temps il est impossible de comprendre les propos qu’elle délivre (parce que l’homme chante en islandais- langue ô combien difficile d’accès, vous en conviendrez- parce qu’il chante dans une langue imaginaire (le Hopelandish) –ce qui donne une bonne raison pour ne rien y comprendre- ou encore parce qu’il chante en anglais –et que son accent et/ou son élocution font que de toute façon, le texte reste un grand mystère.
Jonsi c’est un personnage insolite où semblent se mêler la glace et le feu, la plus lourde pesanteur et la plus aérienne légèreté,comme en témoigne sa musique poétique qui touche souvent au sublime. Cet homme là est un exemplaire unique qui se tient loin de toutes les modes, de tous les courants musicaux qui-font-vendre et trace son chemin artistique au fil de son inspiration, souvent féérique.
C’est le 5 avril 2010 que l’album solo de Jonsi, Go, est sorti.
Je découvre les morceaux du disque : Animal arithmetic et sa rythmique frénétique. Transe musicale. Boy lillikoi et son rythme rapide avec cordes, flutes et voix tout en douceur qui dessinent un ensemble d’une improbable harmonie avec les percussions intenses qui façonnent l’arrière plan du morceau. Les titres plus calmes comme kolniour ou Growtill tall sur lequel la voix de Jonsi s’étire majestueusement sont aussi de vraies perles. Tout comme Tornado et son intro au piano qui saisit là, juste sous l’estomac, et nous fait basculer dans un état second sans que l’on n’y comprenne rien. Sur ce morceau d’ailleurs quand la voix de Jonsi s’envole pour atteindre des sommets, le poil se hérisse irrémédiablement.
Les titres qui sont mes favoris sont ceux où les ruptures de rythme jouent avec nos émotions. C’est un véritable yoyo abdominal : on grimpe aux cimes grisé par la voix et les cordes et on retombe vertigineusement vers une fin de morceau d’une lenteur bienvenue qui nous ménage un atterrissage en douceur. En guise de douceur justement, on peut savourer le dernier morceau de l’album : hengilas. Merveille du genre.
La pochette de l’album offre quant à elle des graphismes soignés, arty et atypiques, à l’image du contenu du disque.
Printemps 2010 : Passage de Jonsi prévu à Paris. J’ai sauté sur une place dès la publication du concert. Encore étonnée que ce soit au bataclan qu’il soit annoncé. Mais ravie.
Etonnée parce que je ne comprends définitivement rien à mes compatriotes en terme de musique; je considère que je me reconnaîtrai en eux le jour où ce sera la ruée sur des sessions de ce genre d’artistes que l’on programmera de ce fait dans des salles immenses. En même temps c’est un pays où Johnny est adulé; c’est dire si la route est encore longue… Ravie parce que le bataclan reste une salle à capacité humaine (1500 places) et que cet espace là me parait finalement parfait pour accueillir l’elfe islandais. Me voilà impatiente donc, de cette rencontre avec Jonsi.
Glasser est affiché en première partie. Pas commode de passer avant le leader de Sigur Ros. Après écoute rapide sur myspace il apparaît que c’est un peu le même genre de musique que ce que fait le groupe islandais. Un peu. En moins bien. Beaucoup moins.
En même temps elle est américaine. Tout le monde n’a pas eu la chance de voir le jour sur les terres islandaises. Dommage pour la musique d’ailleurs.
Sur scène on retrouve avec Jonsi le rock symphonique de Sigur Ros qui fait naitre une émotion sincère. On reste coi à l’écoute de sa voix qui sidère par tant de fragilité et de force mêlées. L’homme est frêle. On s’attend à un physique plus imposant de ténor mais non. C’est de ce fragile jeune homme que sortent ces sons hors du commun. Contrairement à toute vraisemblance.
Sa musique intemporelle s’échappe au-delà des frontières musicales et géographiques habituelles et semble appartenir à un monde qui n’existe pas.
Quand Jonsi chante, l’espace semble se dilater, les murs s’écarter et le plafond s’envoler.
Quand jonsi chante, on l’écoute. Avec recueillement. Religieusement. Bien conscient du moment unique qu’on est en train de vivre.
Quand Jonsi chante, les larmes montent aux yeux et on est bien incapable de savoir si ce sont des larmes de joie ou pas.
Quand Jonsi chante sur scène on ne comprend toujours pas vraiment le sens des textes mais nul besoin de ça pour s’émouvoir. (Meo blodnasir est d’ailleurs un morceau de sigur ros où les voix se contentaient de servir des onomatopées multiples et pourtant la magie était bien là).
Sur scène ce soir là, les lumières sont très travaillées. Des projections de masses nébuleuses ou de silhouettes jalonnent le set. Elles dessinent notamment un bestiaire lumineux en toile de fond où l'on distingue des animaux sauvages variés parmi lesquels des nuées de papillons, des chouettes ou encore des rats qui font irruption sur les écrans installés de part et d’autre de la scène mais aussi en arrière des musiciens. L’une de ces projections en particulier a retenu mon attention : Alors qu’une proie est poursuivie par son prédateur pendant la quasi intégralité d'un morceau voilà que, vers la fin de celui-ci, la biche se retourne pour faire face au loup et s’élance dans sa direction provoquant un choc dont l’explosion finale est celle sur laquelle s’éteignent les dernières notes du titre. Superbe.
Les costumes des musiciens sont ceux d’un folklore inconnu, très coloré, celui du monde de Jonsi, génie de la nature couvert de plumes qui danse souvent en adoptant une posture prostrée, la tête rentrée dans les épaules en agitant la tête de gauche à droite de façon désordonnée comme un petit animal sauvage.
Le concert se termine sur un finish aux allures d’apocalyse musicale à base de percussions hypnotiques au rythme sans cesse croissant, de lumières stroboscopiques et de mélodies électrisantes. Orgasmique.
A la sortie du bataclan le lundi 7 juin, le retour sur Terre est difficile. Chacun a la gueule de bois, bouche pâteuse et membres engourdis. Il semble bien compliqué de se remettre de l’ivresse islandaise qui nous a tous envahi le temps du concert. Du vertige musical que nous a offert cet animal génial.
Dernière minute : retrouvez la setlist ICI.
Rappel : Jonsi sera à Rock en Seine le samedi 28 août 2010.
PS : Bien sûr, zéro photo autorisée et appareil photo en consigne (je me doutais mais je m'en serais trop voulu de n'avoir pas tenté) alors que des dizaines de bridges et même plusieurs reflex mitraillaient dans la salle...GGGrrrrrr....
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