Le visuel de l'album est signé Run (graffeur)
Vu le succès de l'essai "Indignez vous" de Stéphane Essel, on peut se demander si, alors que la population n'en finit pas d'essuyer les revers sociaux et pâtit chaque jour un peu plus de la politique en vigueur dans le pays, malgré la résignation apparente, il n'y a pas chez chacun comme un vent de révolte qui couve.
"Par temps de rage", le second album de La Canaille tombe à point nommé au vu de l'actualité. En effet, l'orage gronde. La foudre a même déjà frappé, l'Egypte et la Tunisie sont là pour nous le rappeler. D'ailleurs là bas aussi ce sont des groupes de rap qui portent le message et force est de reconnaitre que l'arabe est une langue gutturale qui va bien aux chants révolutionnaires.
La Canaille fait du rap, donc.
Après avoir sorti un EP éponyme, le groupe est l'auteur, en 2009, d'un premier album remarqué "Quelques gouttes de miel dans un litre de plomb" (Sélection FIP). La Canaille c'est un groupe qui a fait le choix de ne pas sacrifier son intégrité sur l'autel de la réussite, quitte à ce que le chemin à parcourir soit plus long et plus sinueux. Sur l'album, "Salle des fêtes" résonne d'ailleurs comme un résumé de ce parcours chaotique que les artistes doivent emprunter.
En ces temps de morosité sociale et politique, Marc Nammour, frontman de la canaille pose avec ces 12 titres un regard juste sur la société dans laquelle il évolue. Sans jamais se mettre dans la peau d'un donneur de leçon, il se contente de relater des faits et d'inviter à prendre du recul par rapport au flot d'informtions qui nous sont délivrées quotidiennement. Libre à celui qui écoute d'en tirer les conclusions qui s'imposent.
Sans être un appel au soulèvement, ce disque est de ceux qui poussent à réfléchir, à cesser l'espace d'un instant la course folle dans laquelle nous sommes tous un peu engagés et à faire un bilan.
Soyez prévenus, il risque d'être plutôt sombre. Comme l'époque.
Mais si le ciel est obscur et menaçant, on pressent que l'éclaircie n'est pas loin et cet album est porteur d'espoir. Celui d'un changement. "A force de semer la misère, les gens vont finir par réagir" annonce Marc.
Alors oui il y a de la colère dans cet opus. Mais une colère saine, de celles qui donnent l'impulsion nécessaire pour croire qu'une autre voie peut être ouverte et qu'elle peut déboucher sur un horizon dégagé.
Fer de lance d'un rap contestataire qui s'inscrit dans la lutte, La Canaille a fait ses armes sur scène aux côtés de Casey ou La Rumeur et revient avec un album qui a su saisir l'air du temps.
Après plusieurs écoutes je ne peux m'empêcher de faire le lien avec la pièce de Mnouchkine "Les Naufragés du Fol Espoir" qui s'achève sur ces mots : "Nous avons une mission : apporter aux vaisseaux qui errent dans le noir la lueur obstinée d'un phare".
La Canaille s'inscrit dans la lignée de ces artistes engagés qui face à un quotidien qui les révolte ont pris le parti d'alerter l'opinion. Excédés.
Commenter cet article