Quand je lis un livre, j'aime le parcourir en cornant les pages qui retiennent mon attention afin de les retrouver facilement, plus tard. Avec celui-ci, j'en suis arrivée au stade où il ressemble de profil à un soufflet d'accordéon. C'est te dire si j'ai aimé presque chacun des feuillets de l'ouvrage...
Si tu cherches une trame narrative claire et nette dans tout ce que tu lis, passe ton chemin mais avant prends soin de parcourir les quelques lignes qui suivent pour savoir ce que tu rates. Et revenir sur ta décision.
Dans ce livre (qu'il est difficile de classer puisqu'il s'agit plutôt d'un recueil- savamment organisé, attention, tout n'est pas jeté là pêle mêle), Sophie Fontanel juxtapose ses propres pensées et des fragments de son existence à des réflexions, des attitudes qu'elles a glanées auprès de son entourage ou d'inconnus croisés au hasard de la vie.
L'idée directrice est de dresser un portrait de ce qu'est l'amour dans la vie des gens.
Et il est riche, ce tableau.
Riche des différences de chacun.
C'est un tableau dressé sans amertume mais avec parfois de la douleur devant la difficulté qui existe à aimer vraiment.
Entièrement.
Complètement.
Devant les petits arrangements avec l'amour que chacun concède, pour se protéger, par maladresse, par ignorance...
C'est beau d'une très singulière façon et j'ai rarement été aussi touchée à la fois par le fond et la forme. Car ici on sent bien qu'il ne s'agit pas de "déconstruire" le récit pour surprendre mais bien de s'accommoder de la richesse des sources pour dresser une sorte de portrait protéiforme de l'amour tout autour de nous.
On cerne aisément tout au long de ce recueil la personnalité de l'auteur, qui apparait au départ comme fragile car dépendante de l'amour des autres mais semble au final plus forte qu'eux tous puisqu'elle est dotée de cette acuité si particulière qui lui permet de ne pas perdre de vue son idéal : l'amour.
Absolu. Le don de soi. Total.
Bien entendu elle doit faire face à des déceptions, elle se désole de certaines situations, n'appartenant pas forcément à son vécu propre mais auxquelles elle est confrontée plus ou moins directement.
Je vois dans ce livre un combat qui consiste à prendre du recul par rapport à notre quotidien afin de ne pas se laisser gagner par la médiocrité des sentiments.
Ce terme si souvent galvaudé, "l'amour", ce mot qui fait sourire, souvent, lorsqu'il est utilisé en public, mérite que l'on redore son blason.
Quand j'en parle, souvent ceux à qui je m'adresse roulent des yeux ronds :
"Bah oui, c'est comme ça, moi, j'aime les gens".
Mais vraiment.
Sans blague.
J'aime l'idée de partager des choses avec eux et je suis convaincue que (à de TRES rares exceptions près) j'ai beaucoup à apprendre de tout le monde. Si bien qu'il n'y a rien qui ne m'intéresse plus et donc ne me réjouit davantage que d'approcher les autres, en particulier si ce sont des personnes que j'admire pour une raison quelconque ou avec qui j'ai le sentiment de partager une même sensibilité.
"Mais enfin arrête, ouvre les yeux, on ne peut pas aimer tout le monde à la fin" ai-je souvent entendu.
C'est certain. A force d'accumuler les mauvaises expériences auprès de quelques uns j'ai fini par me raisonner et m'en éloigner parce que je sentais que ça devenait une nécessité mais pas une fois, non pas une seule, cette prise de distance ne m'a laissée indifférente.
J'ai toujours eu le sentiment d'essuyer un échec.
Qu'au grand jeu de la rencontre avec l'autre, j'avais perdu la face, un peu souffert et qu'il fallait que je m'écarte. Jamais en vainqueur, toujours désolée d'en arriver là.
Je vois dans cet ouvrage un hymne à l'amour.
Un vrai. Sans banalités. Juste et jamais mièvre.
Le livre qui manquait à ma bibliothèque personnelle, en quelque sorte.
En cette période ou les haters sont légion, où le trolling est devenu le sport à la mode sur les réseaux sociaux, ou nombreux sont ceux qui perdent une énergie et un temps fous à descendre les autres par écran interposé, je me suis sentie un peu moins seule avec mon sourire brandi comme une main tendue vers l'autre et mon avidité d'en apprendre davantage sur autrui.
Reçevoir, donner, échanger quoi. C'est ce qui fait le sel de la vie.
Et moi je reste toujours hermétique aux discours qui vont en sens inverse.
Parfois j'en viens à me dire que c'est sans doute moi qui n'ai rien compris. Que je n'ai jamais grandi.
Et puis je croise des chemins semblables au mien, je lis des ouvrages comme celui-ci et je me dis que ça vaut la peine de garder le cap.
De ne pas se laisser aller à la morosité humaine ambiante.
Au lynchage médiatique.
A l'amertume facile (je tiens d'ailleurs au passage à préciser que je ne comprends ABSOLUMENT pas cette mode qui consiste à descendre en flèche un programme télé pouilleux que personne n'est, a priori, obligé de regarder)(le flot d'horreurs déversées sur Twitter gratuitement, comme ça, juste pour amuser la galerie, mettant en cause des personnes exposées de façon très directe, m'effraie parfois un peu, j'avoue)
Il me semble que la haine est parfois pour certains comme un signe d'intelligence. Celui qui n'aime pas resort grandi, par je ne sais quelle manoeuvre étrange. J'en soupçonne d'ailleurs certains de prendre le parti de tout détester (tout et tout le monde) pour se sentir un peu exister et laisser penser qu'ils ont des choses à raconter. Mais souvent derrière cet écran de fumée il y a du vide. Triste réalité.
Au passage j'en profite pour répondre ici à quelques messages (un peu anciens)
qui m'ont été adressés. Le contenu visait à me faire remarquer que sur ce blog "j'aimais tout le monde" ce qui semblait être un gros défaut que je ferais bien de rectifier presto.
Ah mais non!
Attention.
Je ne parle que des gens que j'aime (enfin presque), nuance. Tout simplement parce que je ne vois pas l'intérêt de descendre un projet que je n'aime pas, parce que je sais que c'est le fruit d'un travail, qu'il y a un voire plusieurs être humain(s) derrière et que la perspective de les blesser ne me réjouit pas plus que ça.
Au contraire.
J'avais par le passé rédigé un billet comparatif dans lequel je vantais les mérites d'une artiste alors que j'accumulais les mauvais points pour une autre. Quelques échanges électroniques auront suffi à me convaincre que ce n'était décidément pas la direction que je devais suivre. La perspective de blesser les autres m'est trop douloureuse pour que j'en fasse un fond de commerce. Car il est malheureusement évident qu'on fait davantage le buzz en signant des billets acides qui écorchent du monde.
Chacun son crédo.
J'ai choisi de partager sans blesser (tu as peut être souvenir de ma lettre de rupture avec Philippe Katerine mais j'espère que tu y verras toute l'affection que j'ai pour lui dedans et mon billet sur Nolwenn Leroy (folklore chic ou folklore cheap) mais là encore, j'avais derrière moi un solide argumentaire qui ne visait pas la demoiselle directement mais plutôt les directions artistiques que son équipe avait choisi de donner à son projet).
Pour en revenir à "l'amour dans la vie des gens", si le lecteur partage le point de vue de l'auteur -que certains taxeront de naïveté crasse- il peut vivre en parcourant cet ouvrage une expérience bouleversante.
Ce fut mon cas et je ne résiste pas à glisser ici quelques extraits, tout en te précisant bien qu'ils ne valent vraiment la peine que s'ils font partie du tout brillamment orchestré par Sophie Fontanel, afin de te motiver à t'en procurer un exemplaire fissa.
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"Mais moi : Ca n'est pas parce que je l'aime qu'il doit m'aimer : c'est parce que je l'aime qu'il doit s'aimer"
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Je l'aimais. A mes yeux il devenait la Beauté. Voilà pourquoi, l'appareil photo en main, je voulais le mettre dans tous les paysages. Il ajoutait quelque chose. Il était le tampon qui validait la nature.
Et chaque ride, chaque petite détérioration de la peau, je voulais glisser dessus avec ma langue, pour cautériser les années perdues."
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Cet ami que je désole : "Toi, ma pauvre fille, c'est trop facile : tu ne hais personne."
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Même les cris pas criés me terrorisent.
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"Dans les fêtes il s'enivre pour conjurer son angoisse puis roule sous la table. On finit par le trouver ans la pièce où sont les manteaux, couché sur une consentante"
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J'ai fui tous les mariages qui se sont présentés mais bon.
Vraiment le mariage c'est au dessus de mes forces.
Six mois avant la cérémonie, elle pense déjà à chaque détail : "Vous, les célibataires, vous servirez de témoin, ça vous inclura".
Les pauvres gens. Je ne voulais même pas être témoin de ça.
Je disais, très cruellement sans doute :" Pourquoi je serais témoin...puisque, après tout, moi je n'ai rien vu?"
Ah mais j'ai été odieuse.
J'avais l'impression qu'on m'invitait à un mensonge avec le plus de gens possible pour s'en convaincre".
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Et enfin ce passage dont je pourrais tout à fait faire ma devise personnelle :
"Seuls m'intéressent ceux qui ont pensé à donner leur vie"
J'avais déjà lu quelques ouvrages de Sophie Fontanel et j'avais en particulier été très touchée par "L'envie" à propos duquel j'étais fermement décidée à rédiger un billet et puis j'ai dû me résoudre à l'évidence assez vite : je n'ai pas le talent de Sophie Fontanel pour ce qui est d'aborder ce sujet délicat ici et je n'arrivais pas à trouver un angle d'accroche qui me satisfasse complètement. Je me rattrape ici. L'occasion de saluer son grand talent.
P.S. Mention spéciale à Laurie qui m'a fait parvenir ce livre et qui est une source inépuisable de conseils avisés.
Cette fille est un extraordinaire mélange de sensibilité à fleur de peau et de créativité inspirée.
Pleine de bonnes intentions, elle fait partie de ces gens "solaires" qu'il m'arrive de croiser de temps en temps.
Je ne la remercierai jamais assez de toutes ses petites attentions.
(Ne le répète pas mais je crois qu'en fait, c'est une fée)(ça reste entre nous, hein)
Bien sûr je te quitte en musique. Avec un petit groupe, je ne sais pas si tu en as entendu parler déjà, mais ils sont très très bons je trouve... héhé
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