Ce n'est pas la première fois que je m'exprime ici à ce sujet.
Malheureusement.
Et j'espère, pour tout te dire, que c'est bel et bien la dernière. En tout cas c'est la résolution que j'ai prise et je compte bien m'y tenir.
Dans le milieu de la musique (et peut être plus généralement dans celui de la culture) il y a des goûts qu'on est un peu obligé de partager.
Des fondamentaux.
Des influences que l'on se doit de revendiquer, des artistes qu'on est obligé de vénérer.
Bon, déjà ça, ça m'énerve un peu parce qu'après tout libre à chacun d'avoir ses propres icônes et au contraire, de ne pas succomber à un talent pourtant universellement reconnu. La sensibilité individuelle autorise sans doute que nous n'ayons pas les mêmes références et après tout, pourquoi pas?
Affirmer publiquement que l'on n'est pas très sensible au talent d' un de ces monuments, passe encore. En général ça peut même être l'occasion de se distinguer un peu et, à condition d'avoir préparé un argumentaire soigné, ça peut même te permettre de passer pour un esprit d'une finesse inouïe qui attend encore plus d'un artiste que ce que le géant qu'il méprise a à lui proposer.
Pour certains c'est même devenu une position quasi-systématique qu'ils ne prennent plus la peine de justifier s'autorisant à penser que le mépris seul suffit à poser une attitude d'intellectuel rebelle. Ceux là je les fuis.
Quand, par malheur, parce que tu ne l'as encore jamais fait ou que soudain tu te sens envahi d'une hardiesse inconsidérée, tu oses par contre affirmer ton amour (n'ayons pas peur des mots, ici ce n'est pas le genre) pour le travail d'un qui a rencontré un trop grand succès (ce qui va immédiatement le rendre méprisable auprès d'un pourcentage non négligeable des acteurs du milieu de la musique qui aiment tant que le grand public n'a pas encore craqué et relèguent un talent aux oubliettes sitôt qu'il remporte l'adhésion du plus grand nombre), là tu prends le risque de provoquer un tollé.
Que tu aies ou non préparé un argumentaire détaillé n'y changera rien, tu te rendras vite compte que tes interlocuteurs, non contents de remettre clairement en question ton jugement, ambitionnent carrément de te faire changer d'avis.
Comme si ton inclination pour cet artiste n'était liée qu'à un problème de compréhension.
Très sérieusement, pour évoluer au quotidien dans un milieu "extérieur" à la musique, je t'assure que c'est quelque chose d'assez spécifique.
Ailleurs les autres jugent eux aussi tes goûts mais souvent cela génère des discussions qui ne débouchent pas sur un discours didactique que j'irai jusqu'à qualifier d'humiliant (tu te souviens : la peur, les mots, tout ça...). C'est un peu perturbant.
Dans le même esprit, je l'ai déjà évoqué ici mais le fait que je commente en direct sur Twitter "la nouvelle star" à chaque fois que je suis devant mon écran engendre des réactions qui me surprennent toujours. Sur l'air du "mais enfin je croyais que tu aimais la musique" etc... Et leur(s) auteur(s) de m'expliquer que le fait de suivre ce programme fait que je participe malgré moi à la mort de la culture en France etc, etc...
NON MAIS VRAIMENT CE QU'IL NE FAUT PAS ENTENDRE!
Ce qui m'énerve le plus là-dedans c'est que ce genre de remarque vient souvent de personnes qui évoluent elles-mêmes dans le milieu de la musique.
Alors bon. Je vois là l'occasion de parler de quelque chose que j'ai remarqué depuis que j'y ai mis le nez (derrière le rideau).
Si il existe une multitude de tremplins permettant aux jeunes talents de se faire connaître, il est vrai qu'en fouillant un peu on se rend compte que rares, mais TRES RARES même, sont ceux qui "ne viennent de nulle part". Qui n'ont pas déjà un pied dans la musique (voire la jambe toute entière) avant de réussir à faire parler d'eux.
Soit parce qu'ils appartiennent déjà à une lignée d'artistes, soit parce qu'ils font partie d'un réseau parisien (car très vite tu réalises que parmi tous les groupes qui se produisent à Paris, tu peux aisément effectuer un regroupement qui crée des clans qui ne sont pas si nombreux que ça, au fond).
Et tu découvres aussi rapidement que les concerts partagés, les premières parties, les promos, les invitations, les duos, tout ça c'est souvent le résultat d'accointances.
Certes les musiciens qui évoluent ensemble partagent sans doute une même sensibilité musicale mais ils se renvoient aussi la balle, régulièrement, pratiquant une sorte de ping-pong promotionnel souvent très efficace.
Soit.
Comme ils emploient souvent le terme eux-mêmes, les musiciens se reconnaissent l'appartenance à une "famille" musicale et quoi de plus naturel que de s'entraider au sein d'une même famille, je te le demande? Rien. Très bien.
Mais alors : Pourquoi, soudain, lorsque certains tentent de se faire connaitre par d'autres biais, n'ayant pas la chance d'appartenir à un vrai réseau ou n'ayant tout simplement aucune connaissance du milieu dans lequel leur passion de la musique les pousse pourtant à vouloir évoluer, pourquoi s'offenser et faire pleuvoir des nuées d'insultes (oui parce que souvent, ça va jusque là) sur leurs tentatives télévisées?
Sans rire, je ne comprends pas ce mépris immédiat.
Je trouve qu'il y a là dedans quelque chose qui est presque de l'ordre du mépris de caste (pour qui te prends-tu, toi qui n'appartiens pas au "milieu" pour tenter d'émettre un avis ou de te faire une place parmi nous?)
Et qui ressemble aussi souvent à du mépris de classe.
Parce que certains semblent avoir décidé que leur petit monde est un cercle très fermé et entendent bien qu'il en soit ainsi ad vitam aeternam.
Parce qu'ils voient d'un mauvais oeil toute tentative d'intrusion, qu'elle soit motivée par une vraie passion ou non.
Mais enfin en quoi cela peut il les gêner que certains tentent leur chance en utilisant un autre biais?
Il ne s'agit pas de vendre son âme au diable, ici, il ne faut pas exagérer.
Alors voilà, milieu de la musique, depuis que j'ai appris à te connaitre j'ai fait de merveilleuses découvertes mais, je dois bien te l'avouer, j'ai aussi essuyé pas mal de déconvenues.
Parmi ce qui me froisse le plus, il y a ce genre d'attitude bêtement automatique qui consiste à mépriser d'emblée des projets sur lesquels certains n'ont même pas pris la peine de se renseigner. Qu'on aime ou qu'on n'aime pas, je n'ai rien à redire, chacun ses choix. Qu'on s'imagine être suffisamment important pour pouvoir/devoir imposer son point de vue aux autres, là, j'avoue, je ne l'accepte pas. Ca témoigne en plus d'une très haute opinion de soi. C'est irritant.
De l'écrire ici ne changera rien, c'est certain. Mais enfin, personnellement, ça me fait du bien.
Si rien qu'une personne qui adopte ce genre de comportement de temps en temps peut s'interroger une fois, une seule, sur sa pertinence et peut-être la prochaine fois, y réfléchir à deux fois avant de se lancer dans une vaine diatribe, ce sera toujours ça de gagné.
Si ça n'arrive pas tant pis. Le soulagement que j'en ai retiré est bien suffisant, à lui seul, pour justifier l'existence de ce billet.
De temps en temps je pense aux échanges que j'ai fréquemment avec ceux que j'apprécie concernant tel ou tel artiste. Quand nos opinions divergent c'est l'occasion d'un échange d'idées. En aucun cas ça ne s'achève par un sermon proféré par un interlocuteur convaincu de son indiscutable raffinement. C'est sans doute une des raisons pour lesquelles je recherche leur compagnie.
Bon, c'est sur ces mots que je choisis de m'arrêter.
Bien à toi, lecteur.
XX
Add-on : je viens de lire un commentaire dans lequel une lectrice de passage s'offusque de ce que je témoigne ici de mépris pour les musiciens indé, euh, pardon mais j'ai bien failli m'étouffer.
Je crois qu'il est possible que j'aie été mal comprise alors je glisse ici un add-on qui est la réponse que je lui ai rédigée (j'ai écrit le billet sous le coup de l'émotion, il est possible qu'il manque de clarté sur certains points)...
Alors alors, elisamidi, entendons nous bien, je n'ai jamais critiqué les musiciens qui évoluent dans le milieu indé. Au contraire pour les cotoyer de près je leur reconnais une vraie bravoure à vouloir défendre bec et ongles leur intégrité en tant qu'artiste et je conçois parfaitement qu'ils n'aient pas envie de se compromettre en participant à ce genre d'émissions.
Je trouve leur attitude très noble et j'ai beaucoup d'admiration pour eux parce qu'ils doivent justement concilier le fait de devoir avoir un travail "alimentaire" à côté pour pouvoir poursuivre, leur projet musical n'étant pas encore rentable et je suis très touchée par ce courage qu'ils ont et les sacrifices que ça impose.
Même une fois qu'ils ont une vie de famille, leur passion les guide et ils jonglent avec un quotidien pas toujours évident pour ne rien abandonner et très sincèrement je suis très émue par leur volonté de ne renoncer à rien malgré la difficulté de la situation...
Mais tu vois, justement, je comprends d'autant moins qu'ils se braquent et soient si durs envers ceux qui tentent leur chance par ce biais puisque de toute façon, ils ne leur prennent pas leur place, ce sont deux mondes différents...le fait que M. Pokora ait autant de succès n'empêche pas qu'il y aura toujours un public pour Dominique A. Je prends des extrêmes mais c'est pour rendre le propos plus lisible.
Ceux qui ont un vrai talent et une personnalité ainsi qu'une volonté hors-norme sauront faire une carrière après l'émission, les autres non. C'est éphémère souvent, à cause de ce que le projet est trop "vert".
Les autres artistes, ceux qui suivent la voie "classique" pour se faire connaitre, eux, ont muri ce projet, l'ont testé auprès du public, se sont entourés de personnes efficaces sur qui ils peuvent compter... Le chemin est différent. C'est plus difficile de percer. Bien sûr. Mais c'est plus solide et ça a donc plus de chances de durer.
Ce que je fustige dans ce billet ce ne sont pas les musiciens indé (si tu parcours le blog, tu t'en rendras vite compte...) c'est l'attitude inadmissible de certains qui me font me sentir moins que rien en me prenant de haut lorsqu'ils m'assènent leur vérité interdisant toute forme de dialogue.
Il ne s'agit pas d'artistes d'ailleurs, ou alors vraiment TRES rarement, mais plutôt de personnes qui gravitent autour d'eux pour des raisons variées.
Que ça concerne ce genre de programme ou certains de mes goûts, c'est en fait toujours la même chose.
Je crois que pour certains (mais ils ne sont pas si nombreux n'exagérons rien) il s'agit aussi VRAIMENT d'un mépris de classe.
J'ai des goûts variés, peut être du fait de mes origines, très simples, qui font que j'ai, dans ma jeunesse, été confrontée essentiellement à de la musique dite populaire. Exclusivement, même. J'assume ça, j'assume d'aimer des artistes très grand public autant que d'autres qui ne sont encore connus que d'un petit nombre de privilégiés.
Certains dans le milieu de la culture en particulier aiment mettre en avant leur origine sociale et ce sont souvent eux qui se permettent ce genre de débordement. A croire qu'ils ambitionnent de m'éduquer, étant donné le contenu de leurs propos et le ton sur lequel ils les profèrent.
C'est contre eux que je souhaitais écrire ici.
Malheureusement les fois où je suis confrontée à ces interlocuteurs, je n'ai pas le courage de leur dire combien je suis heurtée par leur attitude, j'essaie de leur faire comprendre que je ne souhaite pas poursuivre la conversation poliment et je m'éclipse.
Basta.
Je me suis dit que ce blog pouvait peut être me permettre d'évoquer ce "problème".
J'en ai parlé à l'occasion avec quelques blogueurs et je ne suis pas la seule à avoir à faire face à ce genre de comportement. Les blogueurs entre eux ont ce genre d'échanges aussi parfois et ça me donne envie d'hurler.
Ca ne changera peut être rien d'en parler mais comme je l'ai écrit ça m'a un peu soulagée...
Et merci pour ton commentaire, il m'a permis de réaliser que je pouvais être mal comprise et je vais ajouter cette réponse en add-on au billet.
Du coup ça me permet de terminer en musique, alors que je n'avais pas réussi lors de la première édition du billet, et ça me contrariait un peu, il faut dire... "Don't let me be misunderstood" qui me parait très appropriée...
Enfin il semblerait qu'au moins une personne du monde de la musique ait pris le billet pour elle, l'ayant relayé sur FB en mentionnant des personnes que je ne connais pas ou à peine et avec qui, n'ayant jamais eu d'échange réel, je ne risque pas d'avoir eu ce genre de conversation. Maintenant si certains se sentent concernés tant pis. Ou tant mieux je ne sais pas...Tout ceci ne m'appartient plus...
Ceux que je vise ne sont pas ceux qui détestent massivement ce qui est grand public, par principe. Ceux là je m'en fiche un peu, ils ont leur avis, qui est ou n'est pas le même que le mien mais tant qu'ils n'interagissent pas avec moi, me tenant un discours puant de suffisance, j'avoue m'en désintéresser totalement.
Je te laisse finalement sur ces quelques précisions.
Bon week-end, lecteur.
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