Par un heureux hasard, je me suis retrouvée à lire "Tendre est la nuit" de F. Scott Fitzgerald au moment où j'ai assisté à une projection des "Noces rebelles" de Sam Mendes (quel titre affreux soit dit en passant...C'est à se demander qui en a eu l'idée (car il ne s'agit pas d'une traduction littérale... le titre initial du roman de Richard Yates dont le film est l'adaptation est "La fenêtre panoramique" tandis que le film porte en version anglosaxone le titre suivant "Révolutionary roads").
Le roman de Fitzgerald est écrit dans une langue sublime mais j'avoue avoir eu du mal à accrocher. Pourquoi?
Au départ, le roman consiste en la vision d'une jeune actrice américaine qui découvre un milieu "idéal" et les personnes qui y évoluent : belles, jeunes, cultivées et riches; sauf que tout y est lisse, idéalisé, et le lecteur sombre dans un ennui moelleux... mais que la langue est belle et elle seule suffit à le garder captif.
Fort heureusement car la seconde partie du roman nous entraine dans un vertigineux plongeon dans la réalité des choses. La superficialité des débuts cède place à la profondeur.
Derrière les apparences éblouissantes, le réel est tout autre.On découvre les fêlures, les fragilités, les trahisons et on réalise que la réalité des choses est, en somme, bien différente de ce que la jeune comédienne voulait bien voir avec ses yeux d'enfant choyé par sa douce maman.
Derrière le vernis social, la réalité d'un couple instable nous apparait alors, et les personnages qui semblaient si froids nous deviennent plus sympathiques, plus humains.
Se profile, à l'horizon, le délitement d'un couple que tout le monde enviait, idéalisait, une image universelle de l'amour-toujours. Les perdants au jeu de la vie (et de l'amour) ne sont pas forcément ceux que l'on envisageait au départ.
En parallèle, les noces rebelles est un film magnifique.
Je suis sans doute la dernière rescapée française à n'avoir jamais vu "Titanic" (pour cause de boycott par principe : Ras le bol des films qu'on-est-obligé-d'avoir-vu).
Du coup, le couple Kate Winslet et Leonardo Di Caprio ne m'évoque rien de spécial, je n'avais donc pas de représentation initiale qui puisse pervertir notre vision du film.
On y découvre l'histoire d'un amour, de la rencontre rapidement évoquée à son devenir, une dizaine d'années plus tard, après deux enfants, un déménagement en banlieue et la perte de pas mal de ses illusions.
Un évènement conduit les deux personnages à faire le point sur leur vie, à faire un bilan sur l'air de "que sommes nous donc devenus?"
Il est amer....
Pour sauver ce couple qui s'enlise, ils s'accrochent comme des naufragés à une bouée, à un projet un peu fou, si éloigné de leur quotidien-train-train.
Ils retrouvent alors fougue et plaisirs partagés, complicité et envie mais les voilà rattrapés par la réalité des choses (la vie?) et le rêve étourdissant touche à sa fin, le spectateur assiste impuissant à l'ensevelissement de cet amour, aux déchirements de ceux qui ne s'aiment plus.
Le personnage de Kate Winslet est magnifique, libertaire de l'amour qui ne peut supporter de vivre entravée d'une quelconque façon.
Elle a tout d'un cheval sauvage qui après s'être docilement laissé domestiquer, veut retrouver la liberté, refuse les petits arrangements du quotidien avec la vérité.
Bon, on ne trahit pas le film en indiquant que son issue est dramatique; une vraie émotion s'en dégage, on est happé par les personnages, vibrants, et cette histoire en laquelle, comme eux, on veut continuer à croire... Mais que faire contre l'inéluctable?
La fin de ce film m'a fait penser à celle de la "frontière de l'aube" et le personnage de Kate Winslet serait comparable à celui interprété par Louis Garrel.
Tous deux ne se retrouvent pas dans ce "bonheur bourgeois", ce confort apparent que la vie semble leur offrir mais qui ne leur apparait que comme un miroir aux alouettes dans lequel ils sentent qu'ils vont finir par se perdre.... La seule solution?
Si l'on ne peut vivre libre, renoncer à vivre? A vous de voir ces deux films pour juger de leur choix.
Si l'on peut résumer les étapes de l'histoire d'amour des Wheeler (le couple des "Noces rebelles") en musique, voici ce que, selon moi, ça donne:
1. La rencontre, le coup de coeur... Björk : it's oh so quiet
2. Puis l'érosion fait son travail, vient l'heure de l'inventaire (par Alex Beaupain)
3. Et pour sauver le couple, lui donner une seconde chance, l'ultime tentative, le projet fou censé redonner vigueur aux amours défuntes...: Notre amour à la machine de Souchon, mon ami Souchon.
4. Et le triste constat, la résignation face à l'inévitable...Requiem pour l'amour qui s'éteint... (pour elle) J'aurais pu mettre "ticket to ride" des Beatles pour lui...
Le cheminement classique d'une histoire d'amour me direz vous...
Oui, mais avec quelle maestria les tourments des protagonistes nous sont ils faits partager!
Deux oeuvres très belles, donc, sur l'érosion des sentiments, la quête du bonheur et la perte des illusions.
Deux chroniques d'un quotidien qui, sous des dehors rutilants, cache des vérités bien ternes, une réalité morose et nous rappellent (s'il le fallait) que les apparences sont souvent trompeuses et qu'un confort matériel ne saurait suffire au bonheur car enfin l'Homme vaut mieux que ça, c'est au fond un idéaliste qui ne trouve l'apaisement que lorsque sa vie est en accord avec ce qu'il est vraiment.
Beau mais pas très gai tout ça...
Si vous êtes un(e) incorrigible romantique, évitez le livre et le film au risque de ne pas être touché par leurs propos... Allez plutôt voir "Valentine day (beurk)"
Mais sinon, filez acheter "Tendre est la nuit" et voir "les noces rebelles" : Ils en valent la peine (et je ne saurais que trop recommander le couplage des deux oeuvres qui, me semble t'il, se font écho...)
Commenter cet article