Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le Blog De La Blonde

Le Blog De La Blonde

Je fais des trucs. Plein. Parfois j'en parle ici.


"J'étais derrière toi" de Nicolas Fargues et "Tout recommencer" de Ben Mazué

Publié par NotSoBlonde sur 21 Juillet 2010, 08:00am

Catégories : #Lecture(s)

 

C'est un récit à la première personne sur le ton de la confidence qui court de la fin d'une histoire d'amour au début de la suivante. Ce qui fait tout l'intérêt du roman, c'est le ton employé justement. Nicolas Fargues met son lecteur dans la position du récipiendaire d'une confession intime, en le tutoyant, créant l'illusion d'une proximité à laquelle il a plaisir à se laisser prendre. Il livre son sentiment dans une langue fluide qui est celle de la conversation.

 

 

Au delà du ton résolument bien adapté à la situation, ce roman livre une jolie analyse sur la vie en général, la relation à l'autre, sur ces histoires d'amour qui n'en finissent pas de s'éterniser dans l'ennui et l'indifférence. Celles où chacun finit par s'accomoder d'un quotidien assassin en se persuadant que tout va bien. Sur l'inéluctable rupture aussi. Insupportable de douleur et pourtant salvatrice. De ces épreuves qui font grandir les adultes. Comme l'arrivée d'un enfant. Dans un autre registre.

 

 

Onde de choc, déchirement, blessures, angoisses, envie de fuir et de mourir puis le retour à la vie. La guérison. La reconstruction.

 

  

 

Morceau choisi  (très long mais c'est un passage que j'adore. Du coup je ne mets que celui-là...)

 

  

 

"En fait j'ai attendu la trentaine pour comprendre que j'étais exactement comme tout le monde et qu'on était tous dans la même galère, que j'avais été un sacré abruti de me croire au-dessus de la mêlée.(..) Les autres, avant, moi, je pensais que je n'avais rien à leur dire. Mais les autres j'ai été bien content de les trouver quand j'ai eu besoin de parler. Parce que tu sais, avant, je ne parlais pas. Monsieur "pas de problèmes" je te dis. Et aujourd'hui je peux te dire que c'est parce que j'ai parlé des heures et des heures, à des oreilles attentives ou non d'ailleurs, peu importe, que je m'en suis tiré!, oui je le dis haut et fort "merci les autres, merci!". Vous m'avez sauvé la vie et pardonnez moi de vous avoir si longtemps pris de si haut, je vous jure que j'ai bien retenu la leçon et que je ne le referai plus! J'ai même fini par ne plus avoir aucun scrupule, aucune honte à répondre à la question :"Ca va?" par : "Non, ça va pas du tout, j'ai besoin de parler, là, t'as un moment?". Et à ne pas hésiter, moi qui craignais plus que tout de casser mon image lisse auprès des autres en leur parlant trop de moi et de mes éventuels problèmes, à ne plus hésiter à leur parler pendant des heures, comme tout le monde, à saouler sans vergogne les autres de mes paroles comme les autres m'ont saoulé des leurs quand ça n'allait pas pour eux, lorsque je leur faisais croire que, de mon côté, tout allait très bien et que j'étais pour leurs problèmes une oreille aussi attentive qu'ils le sont pour moi lorsque j'ai les miens propres. Et à parfaitement leur cacher qu'ils me saoulaient parfois, au même titre sans doute que, parmi tous ceux à qui j'ai pu parler de mes problèmes ces derniers temps, toi compris, il y en a bien un ou deux à qui j'ai dû prendre la tête à haute dose, non? Je te saoule pas, là? T'es sûr? Moi je m'en tape, finalement, qu'on m'écoute ou pas. Maintenant, je parle. Et il se passe toujours quelquechose quand tu parles. J'ai d'ailleurs bien pigé que, ce que les autres attendent de toi, ce n'est pas que tu leurs épargnes tes problèmes et que tu ailles bien, au contraire. Ce que les autres attendent de toi, c'est que tu finisses par tomber les masques et admettre que tu es dans la même merde qu'eux. C'est ça le vrai partage. C'est ça l'humanité. Tant que tu vas bien, tant que tu cherches à leur épargner tes problèmes, les autres, tu les fascines mais tu n'es pas des leurs, tu es trop haut, ton bonheur les tient trop à distance, les emmerde et les agresse. Et ils t'apprécient davantage encore, ils se montrent encore davantage attentifs et compatissants, lorsque tu tombes les masques après qu'eux mêmes t'ont longtemps considéré au-dessus de la mêlée, attendant avec une impatience perverse le jour où, à ton tour, tu finiras bien par te casser aussi la gueule, comme tout le monde.

 

Bref, je te disais que j'ai attendu la trentaine pour souffrir. Ou plutôt pour découvrir que je pouvais souffrir comme tout le monde et que ma soi disant force mentale, mon soi disant élégant détachement, ma soi disant distance en toute circonstance, purement théorique, purement idéaliste, purement littéraire, que tout ça ne faisait pas le poids face à un vrai coup dans la gueule bien banal, franc et massif. La trentaine pour devenir un adulte en fait."

 

Ultime ravissement que propose ce roman, la dernière page est une "bande originale sélective" recensant les morceaux de musique qui auraient pu illustrer une version sonore du récit. Parmi eux, je relève "Hurt" de Johnny Cash, si beau... Mais je vous invite à aller découvrir les autres...dans le roman!

 

 

 

 

Comme j'ai pris le parti d'essayer de ne chroniquer que des lectures que je suis à même de mettre en parallèle avec un titre de musique précis, j'ai choisi "Tout recommencer" de Ben Mazué. Parce que c'est avec ce titre qui m'a bouleversée que j'ai rencontré l'univers de cet artiste. Morceau en deux temps forts : début mélancolique et grave sur le difficile moment de la rupture et dynamisme soudain, légèreté des notes, rondeur des mélodies qui disent la grâce de l'improbable retour à la vie.

 

 

 


  
Morceaux choisis :
  
"Alors fallait partir pour pas s'éteindre, partir pour pas déteindre, partir pour pas s'manger l'espace en oubliant d'étreindre..." (...)
 "Un peu d'place à la chance (..) Coller des couleurs aux sens, un peu mieux que foncé, noir ou pire. Avoir les yeux grands ouverts dans la ville. Guérir au fil des sorcières dociles et des fées : c'est facile..."
 
Au fait, avez vous déjà vu  Nicolas Fargues en photo? Parce que pendant que j'écris je réalise qu'ils ont un petit air de famille, lui et Ben Mazué, non?
 
 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source photo : Ouest France                                            Source photo : myspace de l'artiste

 

Et pour ceux qui n'ont encore jamais rien lu sur ce blog à propos de Ben Mazué, il faut aller ICI ou LA ou encore ici.

Et bien sûr il est dans ma sélection des trois titres de la playlist d'été pour CQFD.com.

Commenter cet article

L
<br /> <br /> lu et beaucoup aimé !!! Ton billet retranscrit ce que j'ai ressenti...<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
N
<br /> <br /> merci de partager ton sentiment avec moi ;-)<br /> <br /> <br /> <br />
É
<br /> <br /> Je conseille vivement la version livre disque chez Gallimard, lue par Benoit Magimel. L'illustration musicale colle parfaitement bien avec l'univers trentenaire-branché de ce récit, tendance<br /> électro, même si elle ne respecte pas les choix musicaux de l'écrivain.<br /> Très bel univers si vous avez aimé le livre !<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
N
<br /> <br /> La voix de Magimel + le texte de Nicolas Fargues = Promesse de bonheur. Merci :)<br /> <br /> <br /> <br />
N
<br /> <br /> En ce qui concerne le roman, je suis un peu mitigé: certes l'écrivain a du talent, et la partie décrivant le flirt avec l'Italienne est réussie, mais j'ai eu beaucoup de mal avec les longs<br /> passages concernant le couple du narrateur, notamment sa femme Alexandrine, décrite comme une femme sévère, sans humour, agressive, et au final franchement haïssable. J'ai vraiment eu du mal avec<br /> ça et c'est dommage, car la partie italienne est pleine de charme.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
N
<br /> <br /> En ce qui concerne le roman, je suis un peu mitigé: certes l'écrivain a du talent, et la partie décrivant le flirt avec l'Italienne est réussie, mais j'ai eu beaucoup de mal avec les longs<br /> passages concernant le couple du narrateur, notamment sa femme Alexandrine, décrite comme une femme sévère, sans humour, agressive, et au final franchement haïssable. J'ai vraiment eu du mal avec<br /> ça et c'est dommage, car la partie italienne est pleine de charme.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
P
<br /> <br /> Bien ce parallèle livre/musique.<br /> <br /> <br /> J'ai repris la dernière page du bouquin que j'ai lu il y a deux ans et je comprends le choix de Hurt :)<br /> <br /> <br /> J'avais bien aimé ce roman. Et on espère pour Ben Mazué que la rupture aura été moins violente que le personnage principal du roman.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
N
<br /> <br /> Hurt est un titre magnifique même s'il est vrai qu'il se détache nettement du reste de la playlist du roman ;-)<br /> <br /> <br /> <br />

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents